Propos recueillis d'Andréa Marcelli, gérant de Sol Semilla
Pourquoi la plupart de nous voue t-il une répulsion naturelle à l’amertume ? Pourquoi à la moindre trace d’amertume d’un aliment, notre visage se tord-il en grimaces?
Une inimitié d’ailleurs exploitée par l’industrie agro-alimentaire qui façonne depuis des décennies nos palais en les orientant toujours davantage vers les périmètres inoffensifs du sucré et du salé. Pourtant l’amertume (ainsi que l’acidité), peut ouvrir des mondes et procurer des plaisirs insoupçonnés, à condition d’être curieux et d’affuter ses papilles.
Il se peut en effet que notre aversion à l’amer soit culturelle. Il ne nous reste par conséquent qu’à rééduquer nos palais !
Étant italien, j’ai peut être un goût naturel pour l’amer. En Italie, l’amertume est joyeuse et sociale. Dès leur plus jeune âge, les italiens se familiarisent avec cet horizon gustatif, le rencontrant presqu’à chaque repas. En commençant par le café ristretto le matin, puis dans des dizaines de salades – roquette, bieta, cicoria, radicchio, puntarelle, carciofi etc… où l’amertume est omniprésente, subtile et jouissive. Mais aussi dans les fameux apéritifs italiens, -qui ne connaît pas le Spritz ou le Campari – et surtout dans les digestifs appelés tout simplement amari dont l’amertume puissante est à peine civilisée par le sucre.
J’adore les variations subtiles de la sensation amère, s’activant selon les aliments et les recettes, tout à la fois euphorique, électrisante, déstabilisante, rafraichissante. Le goût pour l’amer, naturel donc chez moi, s’est réactivé puissamment avec la découverte de certains aliments provenant du fascinant patrimoine botanique d’Amazonie. La griffe du chat par exemple, cette liane bienfaisante à l’amertume brute et sans concession.Ce puissant adaptogène, utilisé depuis deux millénaires par les Amérindiens, intéresse aujourd’hui la communauté scientifique pour ses multiples bienfaits. Son amertume est puissante et pourrait en principe désorienter le gouteur.
Mais cette une plante dont le goût s’apprivoise, finit par produire un plaisir presque envoutant. C’est également le cas de la fève de cacao cru, dont l’amertume est tout simplement délicieuse. Les fèves de cacao cru ont tellement de bienfaits qu’une seule page ne suffirait pas pour tous les décrire. On la baptise même « nourriture des dieux ».
A Sol Semilla, nous l’importons justement non torréfiée, mais séchée à basse température, non seulement pour préserver ses multiples qualités nutritionnelles mais aussi pour son goût : une fine amertume subtilement florale, parfois fumée selon les fèves.
Ces produits nous parlent aussi de l’incroyable variété botanique amazonienne, dont l’enjeu de sa préservation ne se limite pas à la ressource phytogénétique, mais s’étend au patrimoine culturel associé. Issus de la biodiversité et de l’ingéniosité des peuples anciens qui surent les acclimater et les transmettre, ces superaliments nous arrivent à la fois comme le témoignage d’une entente entre l’homme et la nature mais aussi comme la chance de pouvoir voyager à travers des saveurs nouvelles et intenses.